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Du côté de chez Citizen Jazz, publication de In Town, le nouveau disque du Switch Trio emmené par le pianiste Fred Nardin. « Cette musique coule, tranquille et sûre d’elle-même à la fois, ne perdant jamais de vue l’idée d’un swing sous-jacent, quel que soit le tempo adopté. In Town est un refuge mélodique dans lequel il fait bon vivre ».
Du côté de chez Citizen Jazz, publication de The Escape, le nouveau disque du batteur Benjamin Sanz. « Benjamin Sanz est le pourvoyeur d’une pulsion qui guide l’ensemble autant qu’elle l’illustre et le soutient par ses couleurs polyphoniques ».
Du côté de chez Citizen Jazz, publication de Glo, le nouveau disque du multiinstrumentiste Bienvenu. « Glo est un disque qui n’appartient qu’à lui-même, une partition luxuriante qu’on peut écouter sans fin. Un plaisir, dans l’acception la plus sensuelle du mot ».
Quelque part, ailleurs, dans un univers musical où se mêleraient influences classiques et jazz, où de luxuriantes textures aux nuances impressionnistes seraient traversées d’élans improvisés, vous risquez de croiser la route d’une très belle formation, le Collectif La Boutique. On peut définir ce dernier comme l’héritier de la compagnie musicale Archimusic créée en 1993 par le saxophoniste improvisateur Jean-Remy Guédon. Ce groupe associait un quartet de jazz (saxophone, trompette, contrebasse et batterie) et un quatuor classique de bois (hautbois, clarinettes, basson). On retrouve un instrumentarium très voisin dans La Boutique, dont la direction artistique est cette fois assurée par Fabrice Martinez. Une fort bonne nouvelle, qu’on se le dise… Ce trompettiste habitué des grandes formations (Le Sacre du Tympan de Fred Pallem, l’ONJ d’Olivier Benoit, le Grand Lousadzac de Claude Tchamitchian, le Méga Octet d’Andy Emler ou encore l’orchestre de cuivres de Paris de Pierre Gillet) est également membre du détonant Supersonic de Thomas de Pourquery et complice de musiciens hors pair tels que Daniel Humair ou Marc Ducret. Et pour ma part, j’ai gardé en mémoire le quartet Chut! (avec Fred Escoffier, Bruno Chevillon et Éric Échampard) et en particulier son troisième album Rebirth que j’avais évoqué en 2016 dans une chronique buissonnière.
Depuis 2018, La Boutique crée des projets qui vont du classique au jazz, du duo peinture-percussions au trio classique, en passant par le grand ensemble. Et voici Twins, premier projet du collectif qui s’empare tout naturellement de la musique de son inspirateur, avec un invité prestigieux en la personne de l’accordéoniste Vincent Peirani. Fabrice Martinez s’en explique : « Le Collectif La Boutique est un projet totalement nouveau pour nous. Mais les liens humains qui nous unissent datent pour certains d’entre nous de plus de vingt ans, et c’est autour de la musique de Jean-Remy Guédon qu’ils se sont construits. Pour Twins, il me semblait fondamental d’incarner une rupture artistique, tout en assumant une forme d’héritage. J’ai fait une plongée abyssale dans l’œuvre du compositeur. J’y ai repêché des perles, les compositions qui me touchent le plus. J’ai voulu les dépoussiérer et en proposer une vision et une écoute toute nouvelle. Dans un grand nombre de pièces, la voix occupe une place centrale. À l’inverse, j’ai eu envie d’un instrumentiste dans le rôle de la chanteuse. Quelqu’un capable de faire le grand écart du jazz au classique. Vincent Peirani m’est apparu comme une évidence. Il peut faire chanter son accordéon comme peu de gens et il a une immense musicalité ».
Twins est de ces disques dont on se dit que leur richesse mélodique est telle que la musique semble couler avec la fluidité de l’eau claire entre les doigts. Les orchestrations définissent une sorte de « jazz de chambre » d’une grande élégance. Les couleurs orchestrales dessinent un écrin luxueux pour chacune des interventions des solistes (Nicolas Fargeix à la clarinette, Clément Duthoit au saxophone et Fabrice Martinez lui-même). La « voix » de Vincent Peirani rehausse l’ensemble, fournit profondeur et lumière, elle vient s’immiscer au cœur des bois, irradiant parfois l’ensemble de ses zébrures métalliques. De son côté, la rythmique formée par Yves Rousseau (contrebasse) et David Pouradier Duteil (batterie) avance avec la force tranquille des musiciens parvenus au stade de l’épanouissement. Écoutez, s'il fallait vous convaincre en cinq minutes seulement, tout ce beau monde en état de grâce dans l'ultime composition de l'album, « Spaciba ». C’est du grand art, assurément, la possible bande-son d’un film dont le premier rôle serait tenu par la vie elle-même. Une partition heureuse, alliant « L’intelligence » et « L’imagination ».
Les musiciens : Yves Rousseau : contrebasse | Vincent Arnoult : hautbois | David Pouradier Duteil : batterie | Nicolas Fargeix : clarinette | Anaïs Reyes : basson | Fabrice Martinez : trompette | Emmanuelle Brunat : clarinette basse | Clément Duthoit : saxophone | Jean Rémy Guédon : composition | Vincent Peirani : accordéon.
Titres : L’intelligence | Parfum | La nature universelle | Peur et religion | L’imagination | Parrain | Lois et passions | Darkniet | Avis aux vieux | Parméric | Spaciba.
Du côté de chez Citizen Jazz, publication de Swallow Tales, le nouveau disque du guitariste John Scofield. « Ce disque libre et sans entraves, porte finalement bien son titre qu’on peut comprendre aussi comme les contes de l’hirondelle. Il y a en effet comme un printemps sous-jacent dans ce jazz-là, qui semble en pleine éclosion ».
Du côté de chez Citizen Jazz, publication de Space Sailors, le nouveau disque du trio nordique Rymden. « Une invitation au voyage, l’antidote parfait aux vicissitudes de nos temps confinés. Il suffit de fermer les yeux et de s’abandonner à sa poésie étoilée ».
Je laisserai aux exégètes le soin de parler, beaucoup mieux que je ne saurais le faire, de Bill Evans, pianiste dont l’héritage n’en finit pas de fasciner. Disparu voici quarante maintenant, son influence sur les musiciens – tous instruments confondus – continue de s’exercer. Ils ont de quoi faire d’ailleurs, avec une somme assez considérable d’albums publiés entre 1959 et 1980. Et puis, quel amoureux du jazz n’a pas dans sa discothèque ce disque phare de Miles Davis, Kind of Blue ? « Blue In Green », ça vous dit quelque chose, n’est-ce pas ?
Au milieu des années 70, on repère trois rendez-vous de Bill Evans en duo avec le contrebassiste portoricain Eddie Gomez : Intuition (1974), Eloquence (1975) et Montreux III (1976). Une formule dont le pianiste disait : « Ne jouer qu’avec une basse offre de nouvelles possibilités, ça élargit l’espace sonore ». En amoureux de la mélodie, respectueux des grandes heures de l’histoire du jazz, mais désireux aussi de s’exprimer dans leur propre langage, avec leur sensibilité, Diego Imbert et Alain Jean-Marie se sont lancés dans l’aventure : elle prend la forme d’un disque et s’appelle Interplay - The Music of Bill Evans. Parce qu’il faut un peu d’audace, tout de même, pour s’attaquer à un géant et supposer qu’on peut ajouter une pierre, aussi modeste soit-elle, à un tel édifice musical. Pari réussi, ce qui pourra rassurer Alain Jean-Marie qui, aux dires de Pascal Anquetil qui signe les notes du livret, a hésité à répondre à l’invitation du contrebassiste : « Pour moi qui viens de la rue, du bal et de la biguine, me confronter à un pianiste doué d’une telle culture classique et que j’admire tant depuis si longtemps m’a fait peur au départ ». Une belle leçon d’humilité, soit dit en passant.
Le menu de cet album paru chez Trebim Music est copieux, mais sans excès, juste ce qu’il faut pour goûter au plaisir de chaque minute. On imagine d’ailleurs que la sélection n’a pas été une mince affaire : quinze compositions dont onze signées Bill Evans et quatre qu’il affectionnait particulièrement (« Alfie », « Quiet Now », « Nardis » et « Gloria’s Step »). La séduction est instantanée, l’entente semble naturelle, parce qu’on n’ose pas la qualifier de facile. La force mélodique de la musique de Bill Evans transporte les deux musiciens, nous sommes au cœur d’une conversation heureuse, dans cette subtile alliance de décontraction rythmique, de jubilation mélodique et de rigueur dans l’écoute de son partenaire. Le piano d’Alain Jean-Marie est une porte ouverte sur un paysage de soleil, la contrebasse de Diego Imbert au meilleur d’une volubilité amoureuse du chant.
Ce jazz-là a quelque chose d’intemporel : insensible aux modes, déjà si vrai hier et demeuré très actuel par sa volonté de parler en droite ligne du cœur, le seul chemin qui vaille en nos temps troubles. Bien qu’imaginé il y a une dizaine d’années, Interplay fut enregistré dès le déconfinement du printemps dernier, les 18 et 19 mai. Comme s’il était une nécessité, l’expression d’un besoin impérieux de se retrouver, une longue et profonde respiration. Ce qu’il est, vraiment.
Musiciens : Diego Imbert (contrebasse) ; Alain Jean-Marie (piano).
Les titres : Interplay | Alfie | Peri’s Scope | Quiet Now | Turn Out Of The Stars | Show Type Tune | Nardis | The Two Lonely People Very Early | Time Remembered | Gloria’s Step | Blue In Green | Waltz For Debby | Laurie | We Will Meet Again.
Encore une belle surprise en cet automne confiné, avec un disque réjouissant signé Sylvaine Hélary. Flûtiste mais pas seulement, voilà une musicienne que je qualifierais volontiers de multidirectionnelle, ainsi que sa biographie vous le prouvera. Tout récemment, elle s’est illustrée au sein de l’ONJ sous la direction de Frédéric Maurin, en composant « Le monde fleur », l’un des thèmes de Rituels, que j’ai évoqué par ici. Et pour la petite histoire, je me souviens d’avoir croisé son nom sur une pochette de disque il y a un petit bout de temps maintenant : c’était il y a plus de quinze ans, avec le premier album de Bertrand Belin (alors illustre inconnu)…
Pour le reste, on peut faire confiance à Stéphane Berland, toujours à la barre du label Ayler Records dont je parle ici assez fréquemment. Son ouverture musicale est vaste, sa démarche volontiers exploratoire. Aussi lorsqu’il ajoute Glowing Life (Vies scintillantes) à son catalogue, on subit cet effet d’attraction assez irrépressible que certains discomaniaques connaissent bien.
Entourée de Benjamin Glibert (guitare et basse), Antonin Rayon (piano, claviers), ChristopheLavergne (batterie), avec l’appui de Mark Tompkins sur un titre, Sylvaine Hélary partage sur ce nouveau disque une vision assez électrique (et très éclectique) de son univers musical (littéraire aussi, notons par exemple le recours à des textes d’Éric Vuillard ou P.J. Harvey) fortement teinté d’influences en provenance d’un courant du jazz-rock anglais qu’on appelait en d’autres temps l’École de Canterbury. Mais attention : ce sont des réminiscences (car il n’est jamais question d’imitation…) et une esthétique instrumentale (le travail d’Antonin Rayon et de Benjamin Glibert est à cet égard fondamental) qui font penser à quelques-uns de ces groupes emblématiques que furent Caravan ou National Health (« Glowing Life » ou le final de « Where It Begins »). La dimension expérimentale de certaines compositions (« Introduction to Beginning ») renvoie quant à elle plutôt vers une formation telle que Henry Cow. On entend même parfois des coups de canif crimsoniens (l’un des passages de « Après la pluie ») qui orientent la musique du côté des rivages d'un rock progressif actualisé ; sans oublier des élans chantés ou parlés conduisant l'ensemble vers une pop élégante (« Thinking to Dance »).
Mais surtout, ce qui impressionne ici est la diversité des climats qui s’enchaînent et mettent la musique dans tous ses états : d’une ambiance étale qui serait celle d’un matin calme à une scansion rock, nerveuse à souhait ; c’est un chant-déclamation d’abord martelé, avant le retour à l’apaisement de ce dernier, qui devient limpide. Les rebondissements du scénario de ce beau disque sont multiples et c’est là l’un de ses grands attraits. Ainsi on passe d’une suggestion mélodique au bruissement des instruments. De la sérénité d’une flûte aérienne aux accents presque recueillis de l’orgue Hammond. Des arpèges solaires de la guitare à la sécheresse de ses riffs. De l’onirisme au réalisme. Adeptes des classifications, passez votre chemin, ce disque est ailleurs. Cerise sur le gâteau, la prise de son (dans laquelle Antonin Rayon est largement impliqué) permet de savourer toutes les subtilités et les variations d’atmosphères (on peut par exemple apprécier le moindre détail du jeu de Christophe Lavergne ou goûter au plaisir d’un Moog qui semble surgi d’avant) dont Glowing Life est traversé de part en part.
Sylvaine Hélary s’avère une authentique créatrice. Elle est à l’évidence de ceux (ou celles) qui possèdent cette faculté rare de savoir d’où leurs inspirations proviennent, de les assumer tout en les transposant à l’aune de leur imagination afin de bâtir leur propre monde. Le résultat est si « évident » et si singulier à la fois qu’on finit par se demander comment une telle rencontre a bien pu ne pas avoir lieu plus tôt.
Musiciens : Sylvaine Hélary (flûte, voix) ; Antonin Rayon (orgue Hammond B3, moog, piano, clavinet) ; Benjamin Glibert (guitare et basse électriques) ; Christophe Lavergne (batterie) + Mark Tompkins (voix sur « Where it begins »).
Les titres : Après la pluie | Thinking to Dance | Glowing Life | Thinking of Solitude | Introduction to Beginning | Where it Begins.