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Lectures

  • Franck Médioni : « Mystère Monk »

    mystere monk thelonious monk, franck medioniLes amoureux de la musique et du jazz en particulier vont écarquiller les yeux – et les oreilles, indirectement – de joie à la découverte de ce livre orchestré par Franck Médioni. Ce n’est pas la première fois que cet écrivain et journaliste (pour Jazz Magazine et France Musique notamment) met son talent au service de biographies ou d’entretiens consacrés à de grands noms du jazz (tout récemment, encore, Henri Texier avec À cordes et à cris, et l’on se souviendra d’ouvrages consacrés à Jimi Hendrix, John Coltrane, Charlie Parker ou Miles Davis, pour citer quelques exemples seulement).

    Mais il faut bien dire qu’avec ce Mystère Monk, Médioni vise encore plus haut. Peut-être par le sujet lui-même, tant Thelonious Monk – peut-être l’une des cinq figures majeures du jazz au XXe siècle (je vous laisse composer cette liste) – demeure l’une des énigmes les plus passionnantes de l’histoire de cette musique. Souvent controversé, le pianiste était ailleurs, dans son propre monde, un monde – celui de ses beautés bleues ainsi que l’auteur aime à le souligner – qui l’aura vu écrire l’une des pages les plus prolifiques et laisser dans son sillage quelques thèmes majeurs qui apparaissent aujourd’hui plus que jamais dans toute leur « évidence » singulière. « ‘Round Midnight » étant sans doute le plus emblématique (du moins le plus connu). Ce musicien différent, dont Coltrane disait : « Jouer avec Monk m’a amené à un très haut niveau musical. Il me semble qu’avec lui j’ai progressé dans toutes les directions : le sens, la théorie, la technique. Je parlais avec lui de problèmes musicaux, il s’asseyait au piano et me répondait simplement en jouant, il m’a donné une liberté absolue, ce que personne n’avait jamais fait auparavant ».

    Mais aussi par la forme du livre lui-même. Mystère Monk est quasiment un ouvrage d’art, qui se lit et se regarde, page à page, en prenant son temps. En rassemblant près de deux cents contributions émanant de musiciens, journalistes, musicologues, écrivains, mais aussi photographes, dessinateurs, peintres ou réalisateurs, l’auteur nous met face à un somptueux objet littéraire et artistique dont la lecture est rythmée par une myriade de photographies et d’illustrations qui contribuent à l’idée qu’on se situe au pied d’une montagne dont l’ascension sera longue et belle. Ce qu’elle est, assurément. Lecture et contemplation, en quelque sorte...

    Ambitieux tant sur le fond que sur la forme, ce grand livre, au sens propre comme au sens figuré, est de ceux qu’on consulte à la manière d’une encyclopédie, loin de toute urgence, même s’il ne s’agit en aucune cas d’une biographie qui ne nous laisserait ignorant de rien. Mais la vision de Monk par tous ces admirateurs et/ou spécialistes offre un point de vue unique d’une grande richesse, qui a pour effet premier de vous donner envie de plonger dans cette musique inépuisable. En se demandant par où commencer, un peu comme ces enfants poussant la porte d’un vaste magasin de jouets…

    Mystère Monk, magie Monk.

    Mystère Monk – Franck Médioni – Éditions Seghers (360 pages)

  • Pierre-Michel Sivadier : Mets du jour

    pierre-michel sivadierOn le comprend tout de suite : le titre de ce livre signé du chanteur pianiste Pierre-Michel Sivadier peut s’entendre de deux façons. Il peut s’agir d’une proposition gourmande (entrée, plat, dessert en quelque sorte), celle d’une lecture aux couleurs multiples d’un écrit assemblant, comme son sous-titre l’indique, « journal, musique et portraits ». Ou bien tout simplement d’une invitation à laisser entrer la lumière dans nos vies pour que puissent s’y épanouir désirs et passions, à condition toutefois que ces dernières ne s’éteignent pas. Après Paùl Jack, roman déjà paru aux éditions Stellamaris, celui qu’on connaît notamment pour trois albums de « chanson » affranchis des impératifs commerciaux du genre, des disques de l’ailleurs – D’amour fou d’amour, Rue Francoeur et Si – publie Mets du jour, un livre qui s’inscrit dans le contexte de la pandémie de coronavirus avec son avant, son pendant et son après. Composé de textes courts, finement ciselés dans une langue mi précieuse, mi rêveuse, là où le passé simple a encore droit de cité, à des années-lumière d’un « néo-parler » managérial qui voudrait abolir les temps et leur concordance, ce bel opus épris de vie livre confidences, emportements et admirations avec la simplicité d’un cœur qui bat fort. On tombe sous le charme de rencontres avec Barbara, Jane Birkin ou Fanny Ardant ; on découvre un poème dédié à Stella Vander ; de précieux musiciens viennent à nous, tels Christian Vander, Simon Goubert ou Michel Graillier. Voilà une étonnante et émouvante galerie de portraits souvent tendres, et l’impression de nous retrouver au centre d’un tourbillon où, finalement, c’est bien d’amour qu’il s’agit avant tout. Musique, cinéma, poésie, vie… leurs beautés et leurs contingences, tout un univers essentiel bousculé par la pandémie et le vacillement du monde qu’elle a engendré. C’est tout cela qui se joue dans ces quelque 170 pages différentes, vers lesquelles on peut revenir lorsque la grisaille surgit, parce que malgré ses inquiétudes, Mets du jour n’est pas une œuvre du renoncement. « Il faut saisir ce souffle, cette infime espérance ».