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Bruno Tocanne - Didier Frébœuf : Ça n’empêche pas le vacarme

bruno tocanne, dider freboeufLe plaisir, toujours, de retrouver Bruno Tocanne et la force tranquille de ses suggestions. J’ai eu l’occasion de parler ici-même à maintes reprises de ce batteur dont l’exigence esthétique n’a d’égale qu’une volonté farouche d’ancrer son propos musical dans l’idée d’une célébration (les albums Libre(s) Ensemble et Over The Hills constituant deux repères essentiels de cette démarche). Son jeu, jamais invasif, est l’héritier d’un Paul Motian, ce maître qui figure sans doute au premier rang de ses figures tutélaires. Chez l’un comme chez l’autre, écoute, retenue et invention sont à l’œuvre pour dessiner des paysages changeants mais aux couleurs étincelantes, jamais clinquantes, où la notion de liberté va de pair avec l’idée d’une captation de l’instant au plus près des émotions.

On avait laissé notre homme en bonne compagnie, celle de son ami Alain Blesing, pour l’album L’impermanence du doute, dont je m’étais fait l’écho dans les colonnes du magazine Citizen Jazz. Un duo, un de plus pour celui qui aura pratiqué cette formule à de nombreuses reprises : Catherine Delaunay, Jean-Paul Hervé, Henri Roger, Jean-René Mourot, Rémi Gaudillat… Une série sans faute qui poursuit son chemin avec Ça n’empêche pas le vacarme, enregistré avec le pianiste Didier Frébœuf que j’avoue avoir découvert avec ce nouveau disque paru sur le label IMR.

Un duo donc, libre et offert aux vents doux d’une conversation se faufilant dans les moindres interstices d’une musique buissonnière, spontanée, ce qu’illustrent parfaitement les deux compositions qui ouvrent et ferment l’album : « L’avenir n’est plus ce qu’il était » et « Fake News ». C’est un dialogue de chaque instant qui s’instaure – l’écoute réciproque des deux protagonistes est un modèle du genre – pour une course un peu folle sur des chemins parfois sinueux mais ouverts à un chant profond et à la brise d’une découverte toujours possible. « Ghost Towns » illustre une présence mélodique mêlée de retenue, parsemée des éclats du piano et des éclairs des cymbales. L’échange entre les deux improvisateurs conteurs arbore parfois des nuances plus bruitistes (« On ne discute pas cuisine avec des anthropophages », « Saturation et All Over ») lorsque le piano préparé croise le chemin de cymbales et de peaux dont les crissements ne sont toutefois jamais des mises en garde. Une musique des libertés qui vient culminer à deux reprises par le truchement de thèmes signés Charlie Haden pour l’un (« Song For Whales ») et Didier Frébœuf pour l’autre (« Ça n’empêche pas le vacarme ») : ici la conversation devient délicate, piano et cymbales tombant en gouttes de pluie avant la montée en tension d’un thème assez majestueux ; là se dévoile une beauté harmonique poignante vibrant des échos restés proches du Liberation Music Orchestra.

Conversation, liberté, chant, exploration, simplicité aussi de la forme – c’est la quasi nudité de deux instruments tout aussi mélodiques que rythmiques qui s’exprime ici, et au bout du compte le sentiment d’avoir ressenti au plus près la vibration née d’une excursion au grand air tout au long d’un chemin traversé par la lumière.

Musiciens : Didier Frébœuf (piano) ; Bruno Tocanne (batterie).

Titres : L’avenir n’est plus ce qu’il était (8:21) | Ghost Towns (5:22) | On ne discute pas cuisine avec un anthropophage (4:03) | Song For Whales (4:41) | Saturation et All Over (5:35) | Ça n’empêche pas le vacarme (7:44) | Fake News (8:08).

Label : IMR (21 décembre 2021)

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