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Du côté de chez Citizen Jazz, publication de John Coltrane's Africa/Brass Revisited, un disque enregistré par le big band du flûtiste et arrangeur Christophe Dal Sasso, pour célébrer la musique du saxophoniste et faire revivre l'un de ses disques phares. « Une fidélité réelle aux œuvres originales tout en leur insufflant des forces vives conférant une grande modernité au répertoire. C’est bien un jazz d’aujourd’hui qui se joue ».
Du côté de chez Citizen Jazz, publication de A Love Supreme Live In Seatlle, une passionnante archive qui vient enrichir la discographie déjà bien fournie de John Coltrane. « Autant de raisons qui doivent vous convaincre de l’importance de cette exhumation cinquante-six ans plus tard, tout en vous rappelant qu’il ne s’agit sans doute pas du disque qu’on recommandera pour entrer dans l’œuvre de John Coltrane. Il n’en est pas moins indispensable ».
Cent mots pour dire l’essentiel... L'histoire veut qu’au moment de quitter son domicile pour rejoindre les studios de Rudy Van Gelder à Englewood Cliffs en ce 9 décembre 1964, John Coltrane avait en tête toute la musique qu’il allait enregistrer avec son quartet. Au sommet de son art et d’un parcours fulgurant, le saxophoniste s’apprêtait ce jour-là à écrire une page majeure de l’histoire de la musique au XXe siècle. Les quatre mouvements du brûlant A Love Supreme s’enchaînent dans un seul souffle aux accents mystiques, formant une suite marquée par sa densité et un feu intérieur ayant conservé une exceptionnelle intensité par-delà les années.
Le 21 octobre 1960, John Coltrane (saxophone), McCoy Tyner (piano), Steve Davis (contrebasse) et Elvin Jones (batterie) investissaient les studios Atlantic de New York pour une séance d'enregistrement que l’histoire du jazz retiendra comme l’une de ses grandes pages.
Ce jour-là en effet, les quatre musiciens – qui ne constituaient pas encore le « quartet classique » du saxophoniste puisque le contrebassiste Jimmy Garrison ne l’intégrera qu’en novembre 1961 – mirent en boîte deux versions de « Village Blues », dont l'une a été publiée sur Coltrane Jazz en 1961 ; une de « Equinox » et de « The Night Has A Thousand Eyes », ces deux dernières n'étant finalement pas conservées. Mais surtout, c'est au cours de cette session que fut gravée une reprise enchantée de « My Favorite Things », qui verra le jour l'année suivante sur l'album homonyme.
Jusqu’à sa mort en juillet 1967, John Coltrane ne cessera de modeler et remodeler, au fil des concerts, son interprétation d’une composition que beaucoup ont pu croire sienne tant il se l’était appropriée, au point parfois d’en donner des versions de près d’une heure (ainsi au Japon en juillet 1966). Cette longue reprise initiale (13'43") d'une chanson tirée de la comédie musicale The Sound of Music s’avérera ma vraie grande porte d'entrée dans l'univers du jazz. Je me souviens encore de cette fin d'après-midi du lundi 9 septembre 1985 – jour anniversaire de mon frère aîné qui m’a tant appris en musique, il ne saurait y avoir de hasard – lorsque je m'étais finalement décidé à acheter ce 33 tours qui allait tout changer. Ce disque, on peut dire que je lui avais tourné autour pendant de très longs mois, voire des années. Il aura fallu l’indigence musicale des années 80 et l’ennui profond qui en découlait pour que je me décide enfin à « écouter en arrière » et me lancer dans la grande aventure Coltrane, ce musicien étrange dont Christian Vander parlait sans cesse avec amour et passion et dont je lisais les interviews depuis plus de 10 ans. À cette époque, Magma était en sommeil et j’entendais parler d’une nouvelle formation dont je comprendrais plus tard la signification du nom, Offering.
John Coltrane. Mais qui donc était-il, ce magicien ? Le saurai-je un jour ?
Le saxophoniste, je dois bien le dire, a complètement bouleversé ma perception de l’écoute, rien n'a plus été pareil dès lors que sa musique est entrée dans ma tête. Elle ne m’a plus jamais quitté, surgissant par vagues à intervalles réguliers. Coltrane a fonctionné comme une formidable machine à faire le tri entre l’essentiel et le reste ! À partir de ce jour du premier disque, j'ai dépensé sans compter (enfin, si, quand même un peu…) pour me procurer tous ses albums ou presque. Aujourd’hui encore, j’ajoute des pièces à ma collection, tel cet enregistrement du concert à l’Olympia le 17 novembre 1962 qui vient de paraître chez Frémeaux & Associés. Jour après jour, il m’a fallu comprendre la chronologie de sa discographie (je ne remercierai jamais assez François-René Simon de Jazz Magazine qui m’avait envoyé une longue lettre manuscrite après que j’avais écrit à la rédaction du journal pour tenter de défricher ce mystérieux univers, et qui fut en quelque sorte mon sésame) que je me suis efforcé de respecter au mieux afin de percevoir comme « en direct » l’évolution artistique et surtout humaine de John Coltrane. En passant par ses collaborations multiples dont celles, majeures, avec Miles Davis et Thelonious Monk dans les années 50. Jusqu’au cri final, jusqu’au mysticisme et à la démesure d’une quête par laquelle le saxophoniste voulait parler à tous les humains et leur faire ce qu’on peut considérer comme une offrande. Certains ont parlé de free jazz pour qualifier son travail des années 65 à 67, je n’ai rien entendu de tel en ce qui me concerne. Mais ceci est une autre histoire dont je laisse aux exégètes le soin de procéder au décryptage.
Nous sommes le 21 octobre 2020, soit 60 ans, jour pour jour, après cette fabuleuse session d’enregistrement. C’est donc le moment idéal pour plonger une fois encore dans la version hypnotique de « My Favorite Things » que nous offre John Coltrane. Laissez-vous emporter dans sa valse entêtante illuminée par le saxophone soprano et le piano qui chante à la façon d’un carillon. On peut y revenir, encore et encore, la magie opère à chaque fois.
John Coltrane aurait eu 94 ans aujourd'hui. En quelques années, il aura bouleversé l'histoire du jazz, écrivant l'une de ses plus belles pages, sinon LA plus belle. Sa trajectoire - en particulier durant la période 1956-1967 - fut celle d'une comète et son influence sur les musiciens reste, aujourd'hui encore, fondamentale. La musique de ce génie n'a pas fini de vivre en nous.
Je pense que Pascal Anquetil ne m'en voudra pas de citer ses propos au sujet de Coltrane, lui qui a eu la chance de le voir sur scène à Paris :
« Né comme Ray Charles un 23 septembre, mais en 1926 à Hamlet en Caroline du Nord, John Coltrane aurait aujourd'hui 94 ans si... J'ai eu le bonheur de voir et d'entendre en concert le quartette de John Coltrane le 6 novembre 1963 à l’Olympia. Je garde encore en mémoire l’empreinte fossile du big bang qu’il provoqua en moi. Jamais un enregistrement ne pourra ressusciter l’intensité magnétique que dégageaient sur scène les quatre musiciens, ni reproduire la puissance “physique” du son de cathédrale de Trane au ténor. Jamais il ne pourra aussi restituer la dimension visuelle de ce tsunami sonore, comme ces images d’Elvin Jones, ses grimaces et ses grands moulinets dans l’espace. Comment un disque pourrait-il faire revivre un tel tintamarre incendiaire ? »
Il n'y a rien à ajouter à des propos aussi forts, qui nous restituent par la seule force des mots la puissance magique de cette musique. Si ce n'est, par exemple, durant une quarantaine de minutes, et cet extrait d'un concert. C'était le 1er août 1965, à Comblain-la-Tour en Belgique.
Place à John Coltrane...
John Coltrane Quartet : 1er août 1965 - Comblain-la-Tour, Belgique. John Coltrane (1926-1967) : saxophone soprano ; McCoy Tyner (1938-2020) : piano ; Jimmy Garrison (1934-1976) : contrebasse ; Elvin Jones (1927-2004) : batterie.