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christophe marguet

  • Daniel Erdmann & Christophe Marguet : Pronto!

    daniel erdmann, christophe marguetL’un de mes camarades du magazine Citizen Jazz ayant préempté la chronique de ce disque avant même que j’aie eu le temps de cocher la case correspondante dans le grand tableau où s’affichent les nouveautés dont il faut rendre compte, me voici dans la douce obligation d’évoquer ici le plaisir d’écoute qu’a suscité instantanément chez moi cette nouvelle aventure discographique signée Daniel Erdmann et Christophe Marguet. Le saxophoniste et le batteur n’en sont pas à leur coup d’essai, loin de là. On se souviendra que leur collaboration remonte à une douzaine d’années et que c’est en 2014 qu’ils ont publié un magnifique disque en duo, Together Together. Une première flèche musicale décochée dont j’avais moi-même rendu compte par ici. Quatre ans plus tard, la paire franco-allemande récidivait avec bonheur, non sans s’être payé le luxe d’inviter à la fête deux géants de la contrebasse, Claude Tchamitchian et Henri Texier, à la faveur de Three Roads Home. Si vous ne l’avez déjà fait, ruez-vous sur ces deux disques, ils sont l’honneur du jazz vivant.

    Et les voici qui reviennent avec Pronto!, en quartet une fois encore mais dans une formation différente : Hélène Labarrière est à la contrebasse et Bruno Angelini au piano. Par le seul pédigrée de ces deux-là, on salive avant même d’avoir entendu la première note, d’autant plus que la photo de la pochette, à mettre au crédit de l’excellent Jeff Humbert, donne le ton, si vous me permettez cette expression. Voyez ces deux baigneurs, une fille et un garçon, des adolescents sans doute au bord d’une piscine : ils vivent probablement à notre époque, mais il y a ce petit je ne sais quoi dans la prise de vue et ce parti-pris de noir et blanc qui interroge sur son époque réelle. Autrement dit, il y a fort à parier que classicisme et modernité seront conjugués dans ce troisième rendez-vous. Ces jeunes sont nos enfants et regardent devant, prenons cette pose pour une métaphore qui nous rappelle que ces quatre équilibristes du jazz connaissent leur héritage tout en sachant défendre leur propre imaginaire et tisser une toile qui n’appartient qu’à eux.

    D’emblée, on sait que le pari est gagné. L’expression est de celles qu’on dira nobles, portée par un quartet acoustique dans sa formule reine ; les formes sont élégantes, rondes et majestueuses, offrant aux mélodies (Erdmann et Marguet se partagent comme toujours le travail de composition) un cadre qui les élève naturellement vers une douceur excluant toute mièvrerie. Il faut parler d’élégance, plutôt, avec des accents monkiens parfois (« Pronto Presto »). Le saxophone est droit, puissant sans être dominateur, porteur d’un grain qui est celui de la vie (« Elevation »). La pulsion de la contrebasse est nourricière, ferme et souple en même temps (« Tribu »). Le piano chante dans sa lumière harmonique, d’une brillance jamais clinquante (« Soir Bleu », de la contemplation au groove). Quant à la batterie, on en connaît depuis longtemps les subtilités mélodiques, entre frappe polyphonique et caresse motianesque, toujours multicolore (le jeu en retenue de « Avant la parole »).

    Tout cela peut sembler superlatif et pourtant, point d’exagération dans mon propos… Ce qui enchante dans Pronto!, c’est… le chant ! Qu’on me pardonne ce quasi pléonasme. On ne le dira jamais assez : même dans ses formes les plus libertaires, il y a toujours dans la musique de jazz une voix profonde qui fait entendre cet essentiel qu’est le chant, enfant naturel d’une « résistance poétique » et d’un cri plus ou moins contenu qui caractérisent le langage des musiciens. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, de près ou de loin, l’ami Henri Texier semble parfois cligner de l’œil (écoutez l’introduction de « Tribu », par exemple), lui qui sait parfaitement ce que tout cela signifie. Et puis, prêtez une oreille à « DE Phone Home » : au-delà du clin d’œil à Spielberg, il est fort possible que sa petite ritournelle ne vous lâche plus d’une semelle. Avant de vous embarquer dans une échappée échevelée dont vous me direz des nouvelles. Tout le monde sur le pont, batterie en fanfare ! Que demander de plus ?

    Une bonne nouvelle ne venant pas forcément seule, il se trouve que Daniel Erdmann et Christophe Marguet, toujours avisés dans leurs choix, figurent au générique d’un disque tout aussi émouvant, aux couleurs parfois plus électriques (celles du violon de Régis Huby et de la guitare de Rémi Charmasson). C’est le nouveau petit bijou du quartet de Claude Tchamitchian dont le Ways Out est rien moins qu’éblouissant. Je l’évoquerai ailleurs. Il est tellement beau qu’il n’est pas simple de lui offrir les mots qui lui conviennent. Patience donc…

    Musiciens : Daniel Erdmann (saxphone ténor) ; Christophe Marguet (batterie) ; Hélène Labarrière (contrebasse) ; Bruno Angelini (piano).

    Titres : Numero Uno (5:29) | Tribu (5:25) | Elevation (6:06) | Hôtel Existence (6:23) | Pronto Presto (5:53) | Soir Bleu (7:58) | Avant la parole (8:06) | DE Phone Home (7:59).

    Label : Mélodies en sous-sol (25 février 2022)

  • Christophe Marguet Quartet : Happy Hours

    christophe marguet, , jazzQuelle carte de visite ! Non seulement Christophe Marguet fut durant de longues années le compagnon de route d’Henri Texier, mais ses propres formations, telle sa Résistance Poétique, ont déjà reçu de nombreuses récompenses. Le batteur évolue notamment aux côtés d’Yves Rousseau dans le quintet Spirit Dance, il a également constitué un quartet avec Sébastien Texier ; il joue en trio avec Guillaume De Chassy et Andy Sheppard ou bien encore dans le projet Looking For Parker de la saxophoniste Géraldine Laurent ; sans oublier sa collaboration en duo ou en quartet avec le saxophoniste allemand, entre autres membre du trio Das Kapital, Daniel Erdmann. Marguet est au centre d’une Constellation, par ailleurs nom d’un album magnifique dont j’avais salué les qualités il y a quelques années…

    Nous tenons donc avec lui un musicien hyperactif qui nous invite à partager les Happy Hours d’un nouveau quartet pour lequel il a réuni la contrebassiste Hélène Labarrière, le pianiste Julien Touéry et le trompettiste Yoann Loustalot. Du très beau monde, donc, pour une musique de toutes les attentions, dont la finesse mélodique puise son inspiration aussi bien dans le jazz que la musique classique, le rock ou la chanson. Il faut dire que ces quatre-là sont connus pour leurs appétits multicolores. L’ensemble ainsi formé est d’un lyrisme profond, il y a ici quelque chose qui s’apparente à de la joie, mais une joie consciente et altruiste, aussi bien par son interprétation d’une grande sensibilité que par une démarche collective empreinte d’humanisme.

    On ne peut qu’être touché par ce qui motive Christophe Marguet : « Par ces temps troublés, nous nous devons de tenter de véhiculer un peu d’espoir et de bonheur, de transmettre ce qui nous anime, nous donne à vivre. Nous avons très envie de partager avec vous ces moments furtifs, ces instants de joie, ces heures heureuses, indispensables à nos existences, moteur et raison d’être, de vivre et d’aimer ». C’est à se demander si Christophe Marguet, qui résume ainsi parfaitement l’idée de ses Happy Hours, ne tenait pas là des propos prémonitoires, peu de temps avant la pandémie et notre long confinement… Voilà un disque qu’on recommandera donc très chaudement.

    Pour terminer, précisons que plusieurs des dix compositions de cet album publié sur le label Mélodie en sous-sol sont dédiées à des musiciens essentiels dans le cheminement de Christophe Marguet : Eddy Louiss, Don Cherry ou Paul Motian, qui est pour lui une « référence permanente ». Christophe Marguet prouve ainsi qu’il est un musicien de « Haute-Fidélité », titre d’une composition de l’album dédié à ce grand batteur qui nous a quittés à la fin de l’année 2011.

    [Album présenté dans L'Heure du Jazz n° 4 du 3 avril 2020]

    Musiciens : Christophe Marguet (batterie), Julien Touéry (piano), Hélène Labarrière (contrebasse), Yoann Loustalot (trompette, bugle).