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  • Csaba Palotaï | Steve Argüelles : Cabane perchée

    csaba palotai, steve arguellesPrenez deux musiciens curieux de tout : le premier est hongrois, français d’adoption, le guitariste Csaba Palotaï ; le second est un Anglais, batteur percussionniste à haute teneur imaginative, Steve Argüelles. Considérez maintenant deux compositeurs majeurs du XXe siècle : Béla Bartók, tout aussi hongrois que le premier cité, ce compositeur souvent révéré par les musiciens de jazz, dont les Mikrokosmos demeurent une des œuvres pour piano les plus fascinantes, avec leurs jeux de rythmes et leurs inspirations multiples d’une incroyable modernité ; pour finir, pensez à un clochard céleste, l’américain Moondog, celui qui avait fait de la rue sa partition, inventant depuis sa cécité une musique répétitive et chantante tout aussi novatrice et, au besoin, créant ses instruments à partir d’objets trouvés.

    Csaba Palotaï et Steve Argüelles ont fabriqué une Cabane perchée dont les charmes sont multiples et persistants. Transcrites pour deux voix singulières – celles d’une guitare acoustique sans fard et de percussions tout aussi multiples que taquines – les « petits mondes » de Béla Bartók trouvent ici une autre vie, un refuge bienveillant baignant dans l’ombre et la lumière. Soit un disque fait de quinze pièces courtes (dont trois compositions originales) s’enchaînant avec une douce frénésie, de celles qu’on savoure non sans éprouver ce plaisir singulier qui vous permet d’entrer à pas feutrés dans un monde intime et qu’on sait pourtant ouvert à tous, sans retenue. Poussez la porte de cette cabane et laissez-vous enivrer par cette succession de petits bonheurs, vous connaitrez alors une douce ivresse que nulle urgence sanitaire ne saura vous reprocher. Si les sources de cette musique sont à l’évidence savantes, si le travail des deux musiciens est le fruit d’une connaissance approfondie des deux univers qu’ils explorent et tentent de joindre – ce à quoi ils parviennent avec une aisance qu’on leur envie – le résultat est d’une grande limpidité, tout empreint de joie.

    La lecture des notes de pochette de ce disque paru sur le label BMC (hongrois, lui aussi) nous dit : « une image simple à l’infini est capable de nous raconter tout sur un univers infiniment complexe ». On mesure l’ambition d’une telle démarche. Csaba Palotaï et Steve Argüelles, armés de leur complicité souriante, nous prouvent tout simplement qu’on peut vouloir viser haut sans pour autant se rendre inaccessible. Cabane perchée est rien moins qu’une des propositions musicales les plus pétillantes du moment. À consommer sans modération !

    Musiciens : Csaba Palotaï : guitare acoustique ; Steve Argüelles : percussions acoustiques, guitare acoustique préparée.

    Titres : Bulgarian Rhythm 1 | In Tents | The Melody Broke | A Little Steady | Fair Ground | Mock Moon | Hommage | Bulgarian Rhythm 2 | Modality | La Cabane | Parallel Motion | Oriental | A Melodic Tonic | Glee.

    Label : BMC

  • Hugues Mayot : L’arbre rouge

    hugues mayotLe temps ne compte pas. C’est sans doute là une bonne excuse qu’on se donne pour évoquer, bien des mois après sa parution – le disque est sorti en 2019 – les beautés de L’Arbre Rouge né de l’imagination d’Hugues Mayot, musicien qu’on a connu par des formations telles que Radiation 10 ou l’ONJ d’Olivier Benoit. Le saxophoniste (et clarinettiste), qui s’était aussi illustré au sein du Sens de la Marche du guitariste Marc Ducret (l’un des plus beaux disques parus au cours des deux dernières décennies), avait même en son temps infiltré la planète Kobaïa le temps de quelques concerts rétrospectifs donnés par Magma, c’est dire l’étendue du spectre de son inspiration. Et puis, comment oublier les charmes d’un trio tel qu’Ikui Doki dont il avait été question ici-même ? Une formation dans laquelle on retrouvait déjà celle qui est aussi sa compagne, la bassoniste Sophie Bernado (puisque j’évoque cette musicienne, profitez-en pour vous régaler des disques de l’Ensemble Art Sonic, en particulier le magnifique Cinque Terre).

    On me pardonnera cette introduction un peu longue, mais il n’est jamais superflu de savoir qui vous parle ou qui dépose au creux de vos oreilles une œuvre musicale. Car après What If en 2017, L’Arbre Rouge s’avère un disque d’une étonnante intensité dont une seule écoute ne saurait suffire à épuiser les beautés. J’ignore s’il s’agit de jazz, de musique de chambre, contemporaine ou sérielle. C’est un peu tout cela, c’est un peu autre chose. Entamant une danse sans âge où se croisent les cordes des frères Ceccaldi, Théo (violon) et Valentin (violoncelle) et de Joachim Florent (contrebasse), les souffles conjugués d’Hugues Mayot et Sophie Bernado dessinent des paysages empreints de mystère et d’onirisme. Flottement et tension à la fois. Douceur et brûlure. Cycles répétitifs, madrigaux étonnants. Loin d’ici, dans un ailleurs sublimé, celui d’un « Champ d’insouciance » et tout près de nous, pourtant, dans une conversation discrète à la tonalité changeante, parfois aux couleurs d’un « Songe pastel ». Parfois tendre, parfois inquiète, parfois gagnée par « La timidité des cimes ». Ce sont des émotions qui vous submergent, celle de cœurs qui battent et transmettent leur désir d’une musique qui ne serait pas déjà entendue, mais au contraire à l’affût d’une piste à défricher. On découvre L’Arbre Rouge et ses élégances ouvrant la porte d’autres mondes, dans un espace temporel qui scruterait demain – avec une pointe d’inquiétude ? – tout en conservant du passé la richesse de sa mémoire, « En souvenir d’une terre ». Comme des « Âmes errantes », peut-être, cherchant leur chemin « Inside The Mirror ».

    C’est une musique pour longtemps.

    Musiciens : Hugues Mayot : saxophone, clarinette ; Théo Ceccaldi : violon, alto ; Valentin Ceccaldi : violoncelle ; Sophie Bernado : basson ; Joachim Florent : contrebasse.

    Titres : Champ d’insouciance | Inside the Mirror | La timidité des cimes | Les âmes errantes | En souvenir d’une terre | Songe pastel.

    Label : BMC