Hugues Mayot : L’arbre rouge
Le temps ne compte pas. C’est sans doute là une bonne excuse qu’on se donne pour évoquer, bien des mois après sa parution – le disque est sorti en 2019 – les beautés de L’Arbre Rouge né de l’imagination d’Hugues Mayot, musicien qu’on a connu par des formations telles que Radiation 10 ou l’ONJ d’Olivier Benoit. Le saxophoniste (et clarinettiste), qui s’était aussi illustré au sein du Sens de la Marche du guitariste Marc Ducret (l’un des plus beaux disques parus au cours des deux dernières décennies), avait même en son temps infiltré la planète Kobaïa le temps de quelques concerts rétrospectifs donnés par Magma, c’est dire l’étendue du spectre de son inspiration. Et puis, comment oublier les charmes d’un trio tel qu’Ikui Doki dont il avait été question ici-même ? Une formation dans laquelle on retrouvait déjà celle qui est aussi sa compagne, la bassoniste Sophie Bernado (puisque j’évoque cette musicienne, profitez-en pour vous régaler des disques de l’Ensemble Art Sonic, en particulier le magnifique Cinque Terre).
On me pardonnera cette introduction un peu longue, mais il n’est jamais superflu de savoir qui vous parle ou qui dépose au creux de vos oreilles une œuvre musicale. Car après What If en 2017, L’Arbre Rouge s’avère un disque d’une étonnante intensité dont une seule écoute ne saurait suffire à épuiser les beautés. J’ignore s’il s’agit de jazz, de musique de chambre, contemporaine ou sérielle. C’est un peu tout cela, c’est un peu autre chose. Entamant une danse sans âge où se croisent les cordes des frères Ceccaldi, Théo (violon) et Valentin (violoncelle) et de Joachim Florent (contrebasse), les souffles conjugués d’Hugues Mayot et Sophie Bernado dessinent des paysages empreints de mystère et d’onirisme. Flottement et tension à la fois. Douceur et brûlure. Cycles répétitifs, madrigaux étonnants. Loin d’ici, dans un ailleurs sublimé, celui d’un « Champ d’insouciance » et tout près de nous, pourtant, dans une conversation discrète à la tonalité changeante, parfois aux couleurs d’un « Songe pastel ». Parfois tendre, parfois inquiète, parfois gagnée par « La timidité des cimes ». Ce sont des émotions qui vous submergent, celle de cœurs qui battent et transmettent leur désir d’une musique qui ne serait pas déjà entendue, mais au contraire à l’affût d’une piste à défricher. On découvre L’Arbre Rouge et ses élégances ouvrant la porte d’autres mondes, dans un espace temporel qui scruterait demain – avec une pointe d’inquiétude ? – tout en conservant du passé la richesse de sa mémoire, « En souvenir d’une terre ». Comme des « Âmes errantes », peut-être, cherchant leur chemin « Inside The Mirror ».
C’est une musique pour longtemps.
Musiciens : Hugues Mayot : saxophone, clarinette ; Théo Ceccaldi : violon, alto ; Valentin Ceccaldi : violoncelle ; Sophie Bernado : basson ; Joachim Florent : contrebasse.
Titres : Champ d’insouciance | Inside the Mirror | La timidité des cimes | Les âmes errantes | En souvenir d’une terre | Songe pastel.
Label : BMC