Thierry Zaboitzeff : Professional Stranger
Au mois de juin 2019, j’ai rendu hommage au travail entrepris depuis une cinquantaine d’années maintenant par Thierry Zaboitzeff. La publication de Sleep No More par son groupe Aria Primitiva avait été pour moi le prétexte à une chronique dans le magazine Citizen Jazz. Par conséquent, je ne reviendrai pas ici en détail sur son parcours qui va de Art Zoyd (dont il fut le co-fondateur en 1971 avec le regretté Gérard Hourbette) jusqu’à un nouveau disque en 2020, Professional Stranger, en passant par de multiples expériences en groupe ou en solo, sans oublier la composition de bandes-son pour des spectacles de théâtre, de danse ou pour des films. Ma chronique se présente comme un rapide tour d’horizon de sa carrière si singulière, vous en saurez donc plus si vous le souhaitez. Avant toute chose, je définissais en quelques mots ce musicien pas comme les autres (bassiste, violoncelliste, compositeur, chanteur, etc.) en essayant d’expliquer la difficulté à cerner son univers « aux confins de la musique électronique, de la musique contemporaine et du rock symphonique ».
Les temps sont durs et pour l’heure – en attendant d’autres qu’on espère meilleures et une publication sous une forme physique – Professional Stranger n’est disponible à la vente que sous forme numérique, ou à l’écoute sur les principales plateformes de streaming, comme on dit de nos jours.
Les compositions de ce nouvel enregistrement sont issues du projet chorégraphique Long Life qui sera prochainement créé à Salzbourg par la compagnie de la chorégraphe Editta Braun.
On connaît le côté souvent ténébreux de la musique de Thierry Zaboitzeff, tous ces « espaces inquiets » dans lesquels il inscrit la plupart de ses compostions, leur pulsion profonde qui semble émaner d’une pénombre dont on perçoit les mystères sans jamais les cerner vraiment. Mais cette fois, le multi-instrumentiste laisse entrevoir plus de lumière et ses paysages paraissent apaisés (à l’image de « L’insouciance de Vénus », par exemple), même si en ouverture le climat de « Neoklassicos Le Grand » n’est pas sans évoquer celui d'Art Zoyd. Et puis il y a cet accordéon omniprésent, tissant de nouvelles textures mêlées à celles des cordes et de l’électronique, capable d’entamer une petite valse (« Mali Valcer ») ou une samba arythmique (« El Caos »), de dessiner dans la douceur du soir un arbre (« Дерево »), de peindre la musique en bleu (« So Etwas Wie Blau »), de raviver les couleurs du célèbre « Venus » de Shocking Blue (souvenez-vous, en 1969…), ici chanté par Sandrine Rohrmoser. Sans oublier un étonnant final avec une reprise aux allures de cérémonie de « Enjoy The Silence » de Depeche Mode (et cette fois, c’est Thierry Zaboitzeff qui en est le chanteur).
Dans un récent échange, je faisais remarquer à Thierry Zaboitzeff que Professional Stranger me paraissait plus facile d’accès que ses autres productions et sa réponse m’a laissé entendre qu’il n’y avait pas de calcul de sa part. Les circonstances du projet Long Life l’ont guidé naturellement vers des atmosphères plus limpides et mélodiques. Une raison de plus pour vous suggérer de découvrir sans attendre son univers pas comme les autres, si vous ne l’avez déjà fait bien entendu.
Musiciens : Thierry Zaboitzeff (tous les instruments) ; Sandrine Rohrmoser (chant).
Les titres : Neoklassicos le Grand | L’insouciance de Vénus | Venus | Mali Valcer | El Caos | Дерево | So Etwas Wie Blau | Overlap Processing | Enjoy The Silence.
Label : iMD-ZABMUSIC