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grateful dead

  • Dead Jazz Plays the Music of the Grateful Dead

    001 - Dead Jazz Plays the Music of the Grateful Dead.jpgL’idée trottait dans la tête de Lionel Belmondo depuis une quinzaine d’années. Lui, le musicien passeur, capable d’unir dans un même idiome des univers d’esthétiques très différentes – tels ceux de Lili Boulanger, Claude Debussy, John Coltrane ou Milton Nascimento – était habité du désir de célébrer la musique d’un groupe californien désormais mythique : The Grateful Dead. En écho au souvenir de tant d’excès psychotropes, des images kaléidoscopiques surgissent, réactivant la mémoire de concerts marathons où l’improvisation avait droit de cité dans un langage mêlant rock, folk, blues, country ou bluegrass. Les mélodies de Jerry Garcia sur les textes à forte teneur poétique de Robert Hunter ont porté pendant trente ans un groupe dont l’existence cessera au moment de la mort de son leader en 1995. Fort judicieusement, le répertoire ici sélectionné fait appel aux dix années les plus créatives de l’aventure et c’est un groupe très motivé qui célèbre avec beaucoup d’à-propos, conservant toutes les trames mélodiques en les parant de couleurs actuelles. Dead Jazz Plays the Music of the Grateful Dead est bien plus qu’un hommage : c’est une déclaration d’amour, dont le sommet est « Blues For Allah » qui épaissit encore le mystère de la version originale.

    Musiciens

    • Lionel Belmondo : saxophones ténor et soprano, flûte alto, flûte bansouri, flûte harmonique ;
    • Stéphane Belmondo : trompette, bugle ;
    • Éric Legnini : piano Fender Rhodes, électronique, Nova Bass Station ;
    • Laurent Fickelson : orgue Farfisa, piano Fender Rhodes, électronique ;
    • Thomas Bramerie : contrebasse ;
    • Dré Pallemaerts : batterie, tambourin.

    Date de parution : 6 octobre 2023 (Jazz&People / B Flat)

  • Grâce au vent léger d’été qui passe…

    grateful dead, american beauty50 ans… Voilà un demi-siècle jour pour jour que le Grateful Dead a offert son American Beauty à tous les Dead Heads, soit le cinquième de ses treize albums studio, dont on sait aujourd’hui qu’il ne flétrira jamais, à instar de la rose au rouge profond qui orne sa pochette et dont bon nombre d’entre nous n’en finissent plus de sonder les mystères. Ce jour-là donc, le 1er novembre 1970, j’étais en classe de 4e et je dois bien reconnaître que je ne sais même pas si à ce moment précis je savais l’existence de ce groupe californien dont la musique s’emparerait de moi un an plus tard environ pour ne plus me lâcher, quand les premières mesures de « Big Railroad Blues », un titre de l’album Skull & Roses (qu’on n’appelait pas encore ainsi, il n'avait pas de titre) avaient résonné au cœur de ma chambre d’adolescent. J’écoutais en effet l’émission quotidienne animée par Jean-Bernard Hébey sur RTL et un beau soir, cet extrait fut l’un de ses choix. Et puis, il y avait eu aussi une chronique élogieuse dans le journal Best (sous la plume de Sacha Reins, me semble-t-il), fort bien écrite et passionnée, une véritable mise en bouche, une puissante incitation à aller voir de plus près de quoi il retournait. Ce double coup de semonce aboutirait inéluctablement à un achat prélude à beaucoup d’autres, à la fin du mois de janvier 1972. Tout cela était l’amorce d’une année des plus fiévreuses, placée sous le signe de la bande à Jerry Garcia. Elle culminerait avec l’acquisition de Europe ’72 au mois de décembre. J’ai relaté les points marquants de cette aventure personnelle et parfois cocasse dans un texte curieusement nommé « La stratégie de l’arbre à disques ».

    En 1972 donc, je suis parvenu à me procurer toute la discographie du Dead. Pas si simple au temps où Internet n’existait pas, où la patience était notre seule alliée possible, dans une ville meusienne modérément achalandée en musique et quand on ne disposait comme c’était mon cas que de très modestes émoluments appelés « argent de poche ». Mais à force d’économies et de ténacité, de ruse aussi, tout y était passé, y compris les premiers albums solo de Jerry Garcia et Bob Weir. Ce fut une immense découverte, en particulier celle des folies psychédéliques (Anthem Of The Sun, Aoxomoxoa, Live Dead) et d’un univers que jamais ma courte vie d’ex-enfant n’aurait pu soupçonner.

    Revenons à American Beauty. Le samedi 19 août 1972, à la faveur d’un séjour chez ma sœur en région parisienne, j’eus la chance d’une rapide virée dans la capitale, propice à quelques emplettes tournant à la vitesse de trente-trois tours par minute. Une en particulier, celle d’un disque qui bruissait à mes oreilles de mille commentaires flatteurs : le plus beau du Grateful Dead disait-on, une merveille d’harmonies vocales, enluminées par de magnifiques textes signés Robert Hunter, le parolier attitré du groupe, un grand bain de lumière en deux fois vingt minutes. Gibert Jeune ? Fnac ? Impossible de me souvenir précisément du lieu de mon achat mais… une fois entré dans le magasin, je ne mis que quelques secondes à trouver le rayon idoine avant de prendre en main l’objet et décider derechef qu’il serait mien.

    Je n’oublierai jamais. Le retour à Saint-Germain en Laye. L’électrophone stéréo emprunté à ma sœur. Le grand matelas gonflable qui me servait de lit. Allongé sur le ventre. Quatorze ans et nigaud comme on sait l’être à cet âge. Les deux haut-parleurs posés à même le sol. Ma tête placée à mi-distance pour une restitution sonore la plus exacte possible. Les yeux fermés. Le chant des guitares. La voix de Phil Lesh et « Box Of Rain ». Une suite enchantée. « Friend Of The Devil », « Sugar Magnolia », « Operator », « Candyman », « Ripple », « Brokedown Palace », « Till The Morning Comes », « Attics Of My Life », « Truckin’ »… Je m’en rends compte aujourd’hui : par-delà tout ce que j’avais déjà eu le privilège de découvrir grâce à la bienveillance de mon frère – mon grand initiateur – ce disque-là fut un choc, un émerveillement pour toujours. Sans doute le plus fort avant que ma route croise celle de Christian Vander et plus tard celle de John Coltrane. Au point que j’éprouve les plus grandes difficultés à en parler, aujourd’hui encore. Je me rappelle qu’American Beauty m’était apparu d’emblée très différent de ses prédécesseurs, plus acoustique, très épuré, bien que Workingman’s Dead, sorti en juin 1970, eût lui-même marqué un virage important dont on pouvait imaginer qu’il annonçait la fin d’une certaine démesure psychotrope et embarquait le groupe vers les rivages d’une musique plus cadrée, alliant blues, folk, bluegrass, rock et cet autre quelque chose indicible qui en faisait la singularité. Il faudrait décrire ici en détail le parcours de chacun des musiciens pour comprendre que leur union ne pouvait qu’aboutir à un idiome qui serait celui du Grateful Dead et rien que le sien. Unique en son genre. Et puis, ne me demandez pas pourquoi, j’ai toujours eu le sentiment que le groupe s’adressait à moi. En toute confidence, en toute confiance. Comme un autre grand frère.

    Le Grateful Dead ou la communion télépathique entre une guitare cristalline « chantée » par Jerry Garcia et les zébrures nerveuses, plus rock, de la guitare rythmique tenue par Bob Weir. La basse mélodique, discrètement saturée et toujours chantante de Phil Lesh, racontant son histoire propre et nourri de musiques contemporaines. Le drumming léger de Bill Kreutzmann, aux antipodes de la frappe sourde et lourde des héros du rock tels qu’ils s’illustrait, chabada vs tchac poum poum... Les indispensables nuances bluesy de l’orgue de Ron McKernan et son harmonica essoufflé qui allait trop vite nous manquer, autant que sa voix brûlée par le tabac et l’alcool. Et puis une entente vocale frisant la perfection, des textes poétiques aux contours énigmatiques. Sans oublier la vie du groupe et ses péripéties racontées dans la composition finale. Aucune d’entre elles n’est faible d’ailleurs, il faut vraiment le souligner. Chacune raconte une histoire et met en valeur le collectif comme les personnalités. Quelques amis sont venus aussi pour donner un coup de main et participer à cette histoire unique. Il s’est passé quelque chose qui ressemble à un petit miracle, un alignement des planètes… Portez cette musique vers la lumière et observez-là comme vous le feriez d’une pierre précieuse traversée par les éclats du soleil : vous ne lui trouverez pas le moindre défaut.

    Voilà ce qui me vient en premier à l’esprit quand je pense à ce disque unique qui vit mes côtés aujourd’hui comme en ce 19 août 1972. Je l’ai acheté à plusieurs reprises, m’en procurant la version CD dans le coffret The Golden Road, puis à nouveau en vinyle après que j’avais offert mon exemplaire original à ma fille. On ne se rend pas compte de ce que l’on fait, parfois, quand on est père… Et aujourd’hui dans une version augmentée à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa sortie. On peut se régaler en effet d’un concert inédit enregistré le 18 février 1971 au Capitol Theatre à Port Chester, NY, selon un principe appliqué à l’occasion de la récente réédition de Workingman’s Dead.

    Non, vraiment, je ne sais pas en parler. Les bons mots ne viennent pas. Trop d’émotion. Peut-être aussi que la tentation nostalgique, amplifiée par les moments sidérants que nous vivons tous, me conduit plus que jamais vers cet album sans égal, dont le titre peut par ailleurs se comprendre aussi comme American Reality du fait d’un graphisme subtil qui offre une double lecture. Je suis en quelque sorte victime d'une forme douce de mutisme de l’admiration. La poésie et la beauté contre la froideur glaciale de notre monde. « Listen to the river sing sweet songs to rock my soul ».

    American Beauty est toujours près de moi, je l’écoute à intervalles réguliers, souvent. Il est sans nul doute le disque que j’ai le plus écouté dans ma vie. Je pourrais presque le chanter de mémoire de la première à la dernière note – j’exagère un peu mais pas tant que ça – au point qu’il ne m’est pas nécessaire de l’extraire de sa pochette et de le poser sur la platine pour l’écouter.

    American Beauty a 50 ans aujourd’hui. Je n’ai pas vu le temps s’écouler. Voilà près d'un demi-siècle que je me laisse porter par ce vent léger d’été qui passe et adoucit ma vie.

    « Fare you well my honey
    Fare you well my only true one
    All the birds that were singing
    Have flown except you alone

    Going to leave this broke-down palace
    On my hands and my knees I will roll, roll, roll
    Make myself a bed by the waterside
    In my time, in my time, I will roll, roll, roll

    In a bed, in a bed
    By the waterside I will lay my head
    Listen to the river sing sweet songs
    To rock my soul

    River gonna take me
    Sing me sweet and sleepy
    Sing me sweet and sleepy
    All the way back back home
    It's a far gone lullaby
    Sung many years ago
    Mama, mama, many worlds I've come
    Since I first left home

    Going home, going home
    By the waterside I will rest my bones
    Listen to the river sing sweet songs
    To rock my soul

    Going to plant a weeping willow
    On the banks green edge it will grow, grow, grow
    Sing a lullaby beside the water
    Lovers come and go, the river roll, roll, roll

    Fare you well, fare you well
    I love you more than words can tell
    Listen to the river sing sweet songs
    To rock my soul »