Clover : Vert émeraude
Quand les trois fondateurs du beau label Yolk Records (récompensé en 2019 par une Victoire du Jazz) se retrouvent pour enregistrer un disque, on imagine aisément le plaisir qui en résultera. Pour eux comme pour nous tous. Alban Darche (saxophone et clarinette), Jean-Louis Pommier (trombone) et Sébastien Boisseau (contrebasse) ont donné naissance à un trio dont on espère que le nom, Clover, sera signe de chance en ces temps si rudes pour tous les artistes (et pas seulement d’ailleurs, mais ceci est une autre histoire…) puisque « clover » signifie « trèfle » en anglais. Trois musiciens à la recherche de quatre feuilles !
Le saxophoniste a composé l’essentiel des thèmes, ses deux partenaires en ayant apporté chacun une. Ce qui ne nuit en rien au sentiment d’équilibre paisible qui règne tout au long du disque. Car Vert émeraude – c’est le titre de cet album dont l’effet de séduction est instantané – est un moment typique de ce qu’on pourrait qualifier de « jazz de l’équilibre ». Dont les influences sont à chercher tout autant du côté de la musique romantique du XXe siècle (on pense parfois à un compositeur tel que Gabriel Fauré) que du swing de Duke Ellington, le tout étant bien sûr modelé au gré des expériences accumulées par des musiciens avides de rencontres multiples. Équilibre des forces en particulier, puisqu’en évoluant dans une formule sans piano ni batterie, chaque musicien se doit d’être tout autant mélodiste que rythmicien. La contrebasse peut devenir un instrument de percussion à la sonorité boisée, tout comme le bec d’un saxophone qui claque et fourbit une discrète pulsion. Équilibre des chants aussi, lorsque trombone et saxophone intriquent leurs chants, tournent l’un autour de l’autre dans une danse heureuse et nourrissent une conversation volubile et poétique. La pochette du disque montre trois enfants courant dans un champ. Difficile de savoir s’il y a du trèfle sous leurs pieds pour leur porter bonheur et s’ils reflètent l’état d’esprit d’Alban Darche, Jean-Louis Pommier Sébastien Boisseau : on sait seulement que les protagonistes de ce trio-là, vingt ans après l’acte de naissance de Yolk, ont gardé en eux suffisamment de fraîcheur et de spontanéité pour nous enchanter de leurs émerveillements. Vert émeraude est un petit bijou de tendresse amoureuse, une déclaration faite au jazz d’hier et aujourd’hui. Un temps suspendu.
Les concerts sont interdits pour l’instant, confinement oblige. Le disque se vend mal, voire plus du tout, souvent par ignorance de la valeur d’une création artistique. Aujourd’hui est sans doute plus que jamais le moment de faire preuve d’un peu de solidarité envers toutes celles et tous ceux qui se battent pour donner une âme à nos quotidiens marqués au fer rouge de l’utilitarisme décidé par la doxa néolibérale. En achetant Vert émeraude, par exemple, sous la forme d’un CD, d’un vinyle ou même en format numérique. C’est par ici et ça ne vous impose pas le recours à de vilaines plateformes fiscalement « optimisées ». Allez-y, vous ne le regretterez pas !
Les musiciens : Alban Darche (saxophone, clarinette) ; Jean-Louis Pommier (trombone) ; Sébastien Boisseau (contrebasse).
Les titres : China Pop | Le chemin (vertueux) | Histoire sans paroles | Susi | Où sont les oiseaux | Matin d’automne | À la bougie | Vert émeraude | L’elfe B | Hiking | Snake.
Label : Yolk Records